mardi 10 juin 2014

#ChallengeAZ : I comme Indochine

Albert TAJASQUE, le père de ma grand-mère Yvette, dont je vous ai déjà parlé ici lorsque je vous ai expliqué son métier de chef de cabinet, a travaillé dans ses jeunes années pour le gouvernement français en Indochine.

  
Albert TAJASQUE en 1914
Source : Archives familiales

Pour rappel, l’Indochine française est une fédération qui réunit cinq pays : le Tonkin, l’Annam, la Cochinchine, le Cambodge et le Laos.

Comme le montre son registre matricule, Albert, qui est né en 1877 à Toulon (83), passe dans la disponibilité de l’Armée active le 21 septembre 1901 après avoir été incorporé pendant trois ans au 111e Régiment d’infanterie.

Dès le 30 septembre 1901, il est noté que son domicile se trouve à Saïgon en Indo-Chine.

Registre Matricule d’Albert TAJASQUE
Classe 1897 à Toulon (83) n°751
Source : AD 83 – 1 R 809 page 198-199-200


Et l’Annuaire général de l'Indo-Chine française de 1911 (partie administrative) indique qu’Albert a intégré l’administration d’Indochine le 30 novembre 1901.

Annuaire général de l'Indo-Chine française de 1911
Source : Gallica – page 106


On sait grâce à son registre matricule que le 1er juin 1903 : il est « commis de résidence à Stung-treng (Laos) ».


Mais qu’est-ce qu’un commis de résidence ?

Dans Voyage au Tonkin, M. RICHAUD, gouverneur général de l’Indochine écrit en 1888 :
« Donner aux Résidents les moyens d’exercer d’une manière efficace leur contrôle, fournir, à la population indigène les moyens de développer son bien-être, à la population européenne les moyens de créer des industries nouvelles et de développer son commerce, procurer à tous la sécurité nécessaire à leurs travaux pour mettre en œuvre toutes le richesses naturelles de ce pays, tel doit être le triple but que nous devons poursuivre.
Je reconnais qu’un Résident unique par province ne peut suffire à tout, et j’ai décidé qu’au fur et à mesure que les ressources dont nous disposons le permettront un fonctionnaire européen placé sous les ordres du Résident de la province sera placé dans chaque phu. Ce fonctionnaire, du grade de chancelier ou de commis de résidence, suivant l’importance des phus, aura auprès de lui un interprète. Il sera le délégué du Résident auprès des autorités annamites du phu et sera chargé spécialement de faire faire la police de son arrondissement, de faciliter et de surveiller la rentrée des impôts. Le Résident de la province pourra lui confier toute autre partie de ses attributions.
Le rôle de ces auxiliaires doit être d’une grande utilité dans l’œuvre de pacification, car ils seront en quelque sorte, pour les Résidents placés à la tête des provinces, des sentinelles avancées qui leur feront connaître l’esprit des populations et leur signaleront leurs besoins. »
(page 1 et 2)

Albert restera en Indochine longtemps puisque son registre matricule nous indique qu’il est « employé de l’administration des colonies (services civils du Laos) du 11 février 1905 au 22 mai 1909.

On peut suivre sa carrière en Indochine puis ensuite en France à travers les Ministère à travers les Bulletins Officiels  de l’Indo-Chine française parus entre 1903 et 1913.
On voit ainsi qu’Albert est commis de 3e classe en septembre 1903 et au tableau d’avancement pour être commis de 2e classe.

Source : Gallica - page 864


En 1906, il est commis de 2e classe et au tableau d’avancement pour être commis de 1ère classe.

Source : Gallica - page 189


Et au 1er juillet 1907, il est nommé commis de 1ère classe.

Source : Gallica - page 653


Mon arrière-grand-père sera très marqué par sa période indochinoise.

Il en retira un foie fragile dû à la nourriture qui sera la raison de ses nombreux voyages à Vichy et de ce fait de la rencontre avec mon arrière-grand-mère Thérèse Van WIND (voir B comme Belgique).

Il rapportera de nombreux objets qui ont peuplé son appartement devenu celui de mes grands-parents à son décès et qui aujourd’hui ont été en partie transmis à petits-enfants et ses arrière-petits-enfants.
En témoignent ces pots indochinois qui sont désormais dans mon salon.

Pots indochinois
Source : collection personnelle



J'ai retrouvé quelques photos d'Indochine qu'il a annotées au dos.

Pirogue armée en baleinière (à l'intérieur de la province de Strung-treng)


Le marié, chef d'un village laotien appartenant au Siam et la mariée,
fille d'un notable de Stung-treng


Albert TAJASQUE


Albert TAJASQUE est à droite. L'inspecteur, sa femme et une autre femme européenne.


Mêmes personnages européens plus un interprète.
Albert TAJASQUE est à gauche et tient dans ses bras un chat.


Il prendra aussi une série de photos datant de 1903.
Les commentaires sont ceux d’Albert qu’il a soigneusement notés sur un document qui aujourd’hui a plus de cent ans ! 

Source : Archives familiales
 Cliquez sur le titre pour accéder au document entier en ligne


 
1 - Habitation du Commissaire du gouvernement


 
2 - Habitation de l'Inspecteur de la garde indigène



 3 - Agence des Messageries fluviales



4 - Habitation du "Chan Mnong" (chef du village)


 
5 - Le "Chan Mnong" et les autorités indigènes
(à l'arrière plan se trouvent les bureaux du Commissariat)



 
6 - Une pagode (culte de Boudha)


 
7 - Autre pagode



 
8 - Le grand prêtre ou chef des bonzes


 
9 - Les bonzes (prêtres du culte de Boudha)


 
10 - Funérailles de l'ancien Chan-Mnong de Stung-treng
Le mort, placé sous un catafalque, est resté exposé pendant 1 an et 1 jour.
En avant du catafalque se trouvent la femme et les filles du défunt,
en grand deuil c.a.d. la tête rasée et vêtue de blanc.


 
11 - Funérailles de l'ancien Chan-Mnong de Stung-treng (suite)
En route pour la crémation


 
12 - Funérailles de l'ancien Chan-Mnong de Stung-treng (suite)
Sur le bûcher


 
13 - Funérailles de l'ancien Chan-Mnong de Stung-treng (suite)
Les bonzes bénissent le corps



 14 - Funérailles de l'ancien Chan-Mnong de Stung-treng (suite)
La colonie européenne met le feu au bûcher. (Je suis placé à droite de Mme Sargues)


 
15 - Funérailles de l'ancien Chan-Mnong de Stung-treng (suite)
Embrasement du corps


 
16 - Convoi d'éléphants



 
17 - Un éléphant transportant un haut fonctionnaire


 
18 - Même épreuve que la précédente : avec beaucoup d'attention, on peut arriver à distinguer les traits du "haut fonctionnaire", personnage connu.
(le "haut fonctionnaire" est en fait Albert !)


 
19 - La garde indigène de Stung-treng sur le terrain de manœuvres


 
20 - La garde indigène de Stung-treng sur le terrain de manœuvres


 
21 - La garde indigène de Stung-treng sur le terrain de manœuvres


 
22 - La garde indigène de Stung-treng sur le terrain de manœuvres


 
23 - Les bonzes se  rendant en cortège à une cérémonie religieuse


 
24 - Les bonzes se  rendant en cortège à une cérémonie religieuse


 
25 - Un monument funéraire


 
26 - Femmes laotiennes décortiquant du riz


 
27 - Groupe de Laotiennes. Les "professionnal beauty" de Stung-treng


 
28 - Séance de vaccination


 
29 - Pirogue remontant, à l'aide de la perche, la rivière de Stung-treng


 
30 - Guerriers Khas
(les Khas sont des peuples sauvages habitant l'intérieur de la province)


 
31 - Un malfaiteur Kha capturé et mis à la cangue


 
32 - Une rue de Stung-treng


 
33 - Ruines


 
34 - Un pont à l'intérieur du village




A demain pour le J… 


10 commentaires:

  1. très très intéressant, je n'aurais jamais espéré un jour voir toutes ces photos et connaître un peu la vie de l'arrière grand-père de mes enfants. Merci mille fois Marine, c'est super.

    tantine

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  2. Quel bel album de photos ! Le texte est bien aussi.

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  3. Tu disposes là d'un trésor, qui plus est avec les commentaires de chaque photo, ce qui n'est hélas pas toujours le cas !

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  4. C'est formidable ! Un véritable reportage ! Les photos sont incroyables ! Mon arrière-grand-père avait fait son service durant la conquête du Tonkin vers 1885, mais je n'ai aucun document ou photo de son séjour sur place. Les photos que tu partages font résonance avec son histoire ! C'est passionnant. Merci Marine!

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  5. Ma grand-mère a su garder tous ces trésors et j'espère le faire aussi bien qu'elle pour passer tous ces documents à la génération suivante ! Mais je trouve que l'histoire de sa famille est faite pour être partagée et je suis contente de sortir tout cela de l'oubli afin que les membres de ma famille puissent connaître un peu leurs aïeux ! Merci à tous pour vos encouragements !

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  6. Je t'ai déjà dit que je suis jalouse de tous tes trésors ? Tu sais très bien les mettre en valeur, bravo !

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  7. Bon, c'est clair et net maintenant. Je suis officiellement jaloux de tes archives. Je n'ose à peine lire les articles suivants.

    En tout cas ravi que tu nous fasses partager un si beau trésor.

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  8. Chère Marine,
    votre site est très intéressant, surtout pour moi qui ait étudié l'histoire du Cambodge. Avec deux de mes collègues, nous publions un livre sur le crime et la violence au Cambodge (http://www.cambridge.org/au/academic/subjects/history/south-east-asian-history/violence-and-civilising-process-cambodia?format=HB) Ce livre est le fruit de plusieurs années de recherche au Cambodge et dans les archives coloniales françaises. Dans ce livre nous aimerions reproduire une des photos présentées sur cette page, la numero 20 de la Garde Indigene en manoeuvres a Stung Treng. Est-ce que vous acceptez que l'on utilise cette photo, accompagnée bien sur de sa source et des détails que vous jugerez appropriés. Merci d'avance! Mon adresse mail est: brigitte.bouhours@anu.edu.au.

    Amicalement, Brigitte

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  9. Des archives inestimables pour mon pays natal où j'ai dû quitté en septembre 1974 pour mes études universitaire en France, juste avant le Genocide cambodgien.
    J'ai tout perdu de l'ancien Cambodge de mon enfance: parents, frère, sœur, archives familiales ainsi que photos dont mon père en avait capté durant les années 1950-1970.

    Vos archives me donnent l'espoir de retrouver les traces de la mère patrie et partager ces images témoins d'un peuple ayant succombé par la folie humaine.

    Je fais parti d'une petite équipe qui a fondé le Centre Khemara, un centre d'histoire et civilisation khmères à Montréal (CANADA)
    www.khemara.org et nous cherchons évidemment des archives sur tout support et surtout des témoignages orales et écrites telles que vous avez décrites dans votre blog.
    Vous pouvez me contacter par e-mail de l'association info@khemara.org
    Bravo et Merci


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  10. Inestimable témoignage de la vie sous le protectorat français au Cambodge . Merci de nous le faire partager .Félicitations .

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