J’ai grand plaisir à vous présenter Alice que j’ai rencontrée à mes tout débuts en généalogie et dont le destin funeste m’a beaucoup frappé.
Est-ce parce
que c'était la première à me faire voir au-delà des simples dates de naissance et de décès ?
Est-ce parce
ce que j’avais à peu près le même âge qu’elle quand la mort est venue la
surprendre ?
Ou est-ce
parce que grâce à elle, j’ai pu constituer toute une partie de mon arbre
généalogique ?
En tout cas,
je l’ai toujours à l’esprit presque vingt ans plus tard…
Mais commençons
par le début.
Portrait d'Alice Source : Archives Départementales de Paris (75) |
Alice
Augustine Marie JACQMIN est née le 2 juillet 1887 à Paris (75) dans le dixième
arrondissement.
C’est le septième
enfant d’une famille qui en comptera douze.
Son père, Albert
JACQMIN, a 33 ans à sa naissance. Il a fait l’Ecole Polytechnique et il est
Ingénieur au Chemin de Fer de l’Est.
Sa mère, Anaïs,
est la fille de Jules CAILLOT, qui lui aussi est Ingénieur et a fait l’Ecole
Polytechnique.
Le couple s’est
marié en mai 1870, à peine deux mois avant le début de la guerre de 1870.
Acte de Naissance de Alice Augustine Marie JACQMIN
|
L’an mil huit cent quatre vingt le deux
juillet
à trois heures, Acte de Naissance de Alice
Augustine
Marie du sexe féminin, née ce matin à trois
heures rue du faubourg
Saint Martin n°167, fille de François Albert
JACQMIN âgé de trente
trois ans Ingénieur au Chemin de Fer de l’Est
Chevalier de la légion d’honneur
et de Marie Anais Caillot son épouse, âgée
de trente ans, sans profession
demeurant rue de Valenciennes 12. L’enfant a
été présenté et déclaré par son
père en présence de Joseph François Félix
âgé de quarante ans Inspecteur
Principal au Chemin de fer de l’Est rue
Condorcet 57 et de Victor Xavier
Laverne âgé de quarante huit ans Chef de
Bureau au Chemin de fer de l’Est
Place du Palais Bourbon 8 qui ont signé après
lecture avec le déclarant et nous
Julien Lyon, Adjoint au Maire Officier de l’Etat
Civil.
Ce n’est pas l'une de mes ancêtres directes, ni même la sœur ou la belle sœur de l’un d’eux. Alice est la
petite cousine de mon arrière-grand-père André JACQMIN : leurs grand-pères
étaient donc frères.
Arbre de parenté entre Alice JACQMIN et mon AGP André JACQMIN |
Alice a rencontré
une mort tragique alors qu’elle était âgée d’à peine 17 ans.
Elle est
décédée dans l’incendie qui a ravagé le Bazar de la Charité à Paris le 4 mai
1897.
Source : Gallica |
L’incendie a bien sûr fait la une de tous les journaux de Paris pendant de nombreux jours.
La Une du Petit Parisien du 6 mai 1897 - Source : Gallica |
Page 2 du Petit Parisien du 6 mai 1897 - Source : Gallica |
Extrait :
« L’incendie
de la rue Jean-Goujon : 150 morts – 300 blessés
Le Bazar de
la charité tenait pour la douzième fois ses assises dans le quartier des
Champs-Elysées.
Depuis sa
création, en 1885, le succès allait sans cesse grandissant, et on évalue à sept
millions de francs la somme que les recettes faites par les dames vendeuses ont
rapportée aux diverses œuvres de concours charitables et généreux.
Le Bazar de
la Charité est certainement une des plus belles œuvres de la charité de Paris,
où pourtant il s’en compte un si grand nombre. » (…)
Cette année,
il avait été installé sur un vaste terrain de la rue Jean-Goujon, mis
gratuitement à la disposition du Comité par M. Michel Heine. (…)
Vue d'ensemble du "Bazar de la Charité" avant
l'installation des comptoirs
Source : Gallica |
Il y avait
en tout vingt-deux boutiques, les numéros pairs à droite, les numéros impairs à
gauche. Tout au fond à gauche se dressait l’église gothique. (…)
Mardi, les
clients et les clientes avaient montré d’autant plus d’empressement que le
nonce apostolique devait venir donner aux assistants la bénédiction du pape.
A trois
heures, il y avait dans le vaste hall près de six mille personnes. Le nonce,
après avoir fait le tout des comptoirs de vente, installés à droite et à
gauche, se retira.
Cette visite
avait duré une demi-heure environ. Près de la moitié des visiteurs partirent à
sa suite. C’est à cette circonstance seule que le nombre des morts doit de n’êtres
pas plus considérable encore.
La vente
continua avec une assez grande animation.
Tout à coup,
vers quatre heures un quart, un cri retentit : « Au feu ! ».
Au même
instant, des flammes s’élevèrent de toutes parts, terribles, menaçantes, s’étendant
en moins d’une minute d’un bout à l’autre du hall.
Le sinistre
avait pris naissance dans un petit salon situé dans un angle du pavillon où se
trouvait installé un cinématographe.
Une lampe à
gaz oxhydrique, servant de foyer lumineux pour les projections, venait d’éclater
et un long jet de flammes avait atteint le velum en toile formant la toiture.
Il y eut un
moment de panique effrayant lorsque les assistants se furent rendus compte du
danger.
Des cris
épouvantables, surhumains, retentirent. Les femmes, en très grand nombre,
perdaient la tête, courant, affolées, de droite et de gauche, cherchant
inutilement des issues malheureusement trop étroites et encombrées par la
foule.
Pendant ce
temps, le sinistre continuait son œuvre de destruction. Le feu s’était
communiqué aux parois du bazar, planches légères de pitchpin fraîchement verni.
Ce fût une flambée.
En cinq
minutes l’édifice tout entier brûlait de la toiture au plancher, dégageant une
chaleur torride.
(…) »
Tous les
journaux de Paris décrivent en détail la panique, les cris, la mort atroce de ces
pauvres femmes, brûlées vives, asphyxiées et piétinées.
On trouve
une référence spécifique à Alice dans le Figaro du 6 mai.
Le Figaro du 6 mai 1897 Source : Gallica |
C’est ainsi
que Léon, le frère d’Alice, et Paul, son oncle vont à la mairie du 8e
déclarer le décès de la jeune fille.
Acte de Décès de Alice Augustine Marie JACQMIN
|
L’an mil huit cent quatre vingt dix sept, le
cinq mai à midi
et demi, Acte de décès de Alice Augustine
Marie JACQMIN, âgée
de seize ans, née à Paris, sans profession,
décédée rue Jean Goujon 19 le
quatre mai courant à cinq heures du soir*,
fille de François Albert Jacqmin
âgé de cinquante ans, secrétaire général de
l’exploitation à la compagnie des chemins de fer de l’Est,
Chevalier de la légion d’honneur, et de
Marie Anaïs Caillot, son épouse, sans profession.
Célibataire. Dressé vérification faire du
décès par nous Joseph Sansboeuf, adjoint au
Maire officier de l’Etat civil du huitième
arrondissement de Paris, officier de la légion d’honneur
Officier d’académie, sur la déclaration de
Léon Octave Paul Jacqmin, vingt et un an accompli
Clerc de notaire, 1 rue Nouvelle, frère de la
défunte et de Paul Jacqmin, avocat à la cour
d’appel de Paris, quarante-quatre ans, oncle
paternel de la défunte, 48 boulevard Malesherbes, qui ont signés avec nous.
*et transportée au domicile de ses père et
mère eu Nouvelle, 1
Quelques
jours plus tard, c’est l’oraison funèbre.
Oraisons funèbres et Discours
Source : Gallica
|
On publiera
plus tard un Livre d’Or de 320 pages des Martyrs de la Charité.
Livre d'Or des Martyrs de la Charité |
On peut y lire page 252 un
passage dédié à Alice.
Livre d'Or des Martyrs de la Charité - page 252 Source : Gallica |
Mais c’est le document
ci-dessous sur lequel je suis tombée il y a vingt ans.
Il me semble que je l’avais découvert
aux Archives de Paris. Malheureusement, je n’ai pas noté la cote du document à
l’époque, novice que j'étais !
Généalogie
d’Alice JACQMIN
Source :
Archives Départementales de Paris (75)
|
On y retrouve toute la
généalogie d’Alice : parents, grand-parents, fratrie ainsi que l’ensemble
de leur descendance ! Neuf pages d’informations
précises avec dates et lieux de naissance, mariage et décès !
De quoi démarrer la passion d’une
vie !
FIN.
Vous pouvez voir la généalogie d'Alice sur mon arbre en ligne sur Généanet en cliquant ICI !
Sources :
La
catastrophe du Bazar de la charité (4 mai 1897) – Gallica
Le Petit Parisien du 6 mai 1897 - Gallica
Le Figaro du
6 mai 1897 - Gallica
Oraisons funèbres et Discours - Gallica
Livre d'Or des Martyrs de la Charité
-Gallica