Février. C'est le mois qu'a
choisi Sophie Boudarel pour nous inciter à vous faire découvrir un document
qui nous tient particulièrement à cœur.
Je voudrai pour ce généathème vous faire découvrir la vie de Léontine DUPUY, mon arrière-arrière-grand-mère à travers un document qui à mes yeux est exceptionnel : le journal qu'elle a écrit entre 1879 et 1916 et dans lequel elle relate d'abord ses voyages puis sa vie pendant la guerre de 14-18.
Léontine est une jeune fille de 19 ans quand elle épouse Jacques TAJASQUE, Lieutenant de vaisseau de 37 ans, en septembre 1876 à Toulon (83 - Var). Ils auront ensemble 3 enfants, Albert, Léon et Georges.
Pour rappel, c'est Léon, Mort pour la France le 4 juin
1917, à qui j'ai rendu hommage dans mon article de novembre dernier que vous
pouvez lire ou relire ici.
Je vous invite spécialement à lire le récit du voyage que Léontine et Jacques ont entrepris en octobre 1896 lorsqu'ils ont quitté Toulon pour Paris et l'Est.
Ils se sont arrêtés dans plusieurs villes et villages de France et de Suisse : Reims - Bazeilles (Musée de la dernière Cartouche) - Verdun - Nancy - Epinal - Besançon - Mouchard et Pontarlier - Lausanne (Suisse) - Genève (Suisse) - Chambéry - Grenoble - Saint Laurent du Pont - La Grande Chartreuse avant de rejoindre Toulon (page 005 à 011).
Voir transcription en bas de page
Malheureusement, en 1914, la guerre éclate.
Je vous propose de lire les premiers mots de Léontine sur la guerre et le départ de son premier fils : Georges.
Je voudrai pour ce généathème vous faire découvrir la vie de Léontine DUPUY, mon arrière-arrière-grand-mère à travers un document qui à mes yeux est exceptionnel : le journal qu'elle a écrit entre 1879 et 1916 et dans lequel elle relate d'abord ses voyages puis sa vie pendant la guerre de 14-18.
Léontine DUPUY épouse TAJASQUE Mon arrière-arrière-grand-mère |
Nous avons souvent une idée de la vie de nos ancêtres masculins à travers
les métiers qu'ils ont pu avoir ou leur parcours militaire.
Mais les femmes ? Que sait-on d'elles ? Que peut-on apprendre des archives
sur elles et sur leur vie ?
On découvre parfois qu'elles sont lingères, blanchisseuses, ... mais la
plupart sont "sans profession" et désignées seulement dans les
actes comme "fille de ..." jusqu'à leur mariage pour ensuite devenir
"femme de ..".
Imaginer leur vie est
donc difficile et j'ai d'autant plus de plaisir à vous faire partager le
témoignage de Léontine à travers son journal que j'ai récemment trouvé dans les
armoires de ma grand-mère.
Journal de Léontine DUPUY épouse TAJASQUE entre 1879 et 1916 Cliquez sur le titre pour accéder au document en ligne ! |
Léontine est une jeune fille de 19 ans quand elle épouse Jacques TAJASQUE, Lieutenant de vaisseau de 37 ans, en septembre 1876 à Toulon (83 - Var). Ils auront ensemble 3 enfants, Albert, Léon et Georges.
J'avoue que je ne m'imaginais
pas la vie de mon arrière-arrière-grand-mère comme çà !
Je pensais que Léontine était une femme au foyer sans histoire ni grand-chose à raconter...
Pour tout vous dire, quand j'ai trouvé ce carnet, et le moment d'émotion passé (j'avoue, j'avais les larmes aux yeux !) quand j'ai lu les premiers mots...
Je pensais que Léontine était une femme au foyer sans histoire ni grand-chose à raconter...
Pour tout vous dire, quand j'ai trouvé ce carnet, et le moment d'émotion passé (j'avoue, j'avais les larmes aux yeux !) quand j'ai lu les premiers mots...
... je n'ai pas
imaginé une seconde que c'était la mère de mon AGP qui avait pu écrire ces
lignes !
J'ai tout de suite pensé à son mari Jacques TAJASQUE qui a eu une vie passionnante que je vous détaillerai dans un prochain article.
Voyage d'Algérie, janvier 1879...
Je ne pensais pas qu'on pouvait aller aussi loin juste pour quelques semaines à cette époque !
Léontine a dû penser qu'écrire sur la vie quotidienne n'avait pas d'intérêt, alors elle a décidé de décrire chaque année ses vacances estivales pendant lesquelles elle a fait de nombreux voyages.
J'ai tout de suite pensé à son mari Jacques TAJASQUE qui a eu une vie passionnante que je vous détaillerai dans un prochain article.
Voyage d'Algérie, janvier 1879...
Je ne pensais pas qu'on pouvait aller aussi loin juste pour quelques semaines à cette époque !
Léontine a dû penser qu'écrire sur la vie quotidienne n'avait pas d'intérêt, alors elle a décidé de décrire chaque année ses vacances estivales pendant lesquelles elle a fait de nombreux voyages.
- Janvier 1879 : voyage en Algérie (page 001)
- Septembre 1885 : voyage à Brest (page 003)
- Septembre 1891 : voyage à Paris par Nîmes et Vichy - retour par Genève
(Suisse) (page 004)
- Octobre 1896 : voyage à Paris et dans l'Est (page 005) : Reims (page
005) - Bazeilles (Musée de la dernière Cartouche) (page 005) - Verdun (page 007) - Nancy (page 007) - Epinal (page
008) - Besançon (page 008) - Mouchard et Pontarlier (page 009) - Lausanne
(page 009) - Genève (page 009) - Chambéry (page 009) - Grenoble (page 010)
- Saint Laurent du Pont (page 010) - La Grande Chartreuse (page 010)
- Toulon (page 011)
- Juin 1900 : voyage à Chamonix (74 - Haute-Savoie) et en Suisse (page
012) pour passer l'été en famille - arrêt à Grenoble (page 012), à Annecy
(page 012), à Saint-Gervais (page 014), à Chamonix (page 0115), et à
Montreux (suisse) (page 026).
- Juillet 1901 : voyage à Mens (38 - Isère) (page 026) - Briançon (05 -
Hautes-Alpes) (page 027) - Grenoble (38 - Isère) (page 027) -
Saint-Pierre-de-Chartreuse (38 - Isère) (page 027)
- été 1902 : voyage à Monnetier (74 - Haute-Savoie) (page 028)
- été 1903 : voyage à Chamonix (74 - Haute-Savoie) (page 029)
et à Brides-les-Bains (73 - Savoie) (page 030)
- été 1904 : voyage à Chamonix (74 - Haute-Savoie) (page 031)
et à Plombières Les Bains (88 - Vosges) (page 031)
- été 1905 : voyage à Chamonix (74 - Haute-Savoie) (page 032)
- été 1906 : voyage à La Bourboule (63 - Puy-de-Dôme) (page 033)
- été 1907 : voyage à Chamonix (74 - Haute-Savoie) avant
d'aller à Interlaken en Suisse. Arrêt à Montreux et à Berne. (page 034)
- été 1908 : voyage à Morgins (Valais - Suisse) pour l'été (page 035)
- été 1909 : voyage à Champex (Valais - Suisse) (page036) puis à Viège et Zermatt (Suisse)
- été 1910 : Léontine est partie à Gréoux (page 037)
- été 1911 : été à Toulon (page 038)
- été 1912 : été en Suisse à Engelberg puis à Lucerne, Zurich et
Chamonix (France) (page 038-039)
- été 1913 : voyage à Grindelwald en Suisse puis à Châtel (page 040-041)
- Janvier 1879 : voyage en Algérie (page 001)
Je vous invite spécialement à lire le récit du voyage que Léontine et Jacques ont entrepris en octobre 1896 lorsqu'ils ont quitté Toulon pour Paris et l'Est.
Ils se sont arrêtés dans plusieurs villes et villages de France et de Suisse : Reims - Bazeilles (Musée de la dernière Cartouche) - Verdun - Nancy - Epinal - Besançon - Mouchard et Pontarlier - Lausanne (Suisse) - Genève (Suisse) - Chambéry - Grenoble - Saint Laurent du Pont - La Grande Chartreuse avant de rejoindre Toulon (page 005 à 011).
Voir transcription en bas de page
Voyage de Léontine et son époux Jacques TAJASQUE en octobre 1896 Cliquez sur le titre pour accéder à la carte en ligne Source : Google Maps Engine Lite |
Malheureusement, en 1914, la guerre éclate.
Je vous propose de lire les premiers mots de Léontine sur la guerre et le départ de son premier fils : Georges.
Journal de Léontine DUPUY - page 042 |
Page 042 - Eté 1914
Ayant
cette année le bonheur d’avoir mes enfants en congé, nous avions projeté
d’aller de nouveau à Engelberg ; nos préparatifs étaient faits et notre
départ fixé au 27 juillet, lorsque la veille dimanche 26 les journaux
annonçaient que l’Autriche Hongrie avait déclaré la guerre à la Serbie ;
la Russie promettant son appui à cette petite puissance, c’était pour nous une
guerre très prochaine en perspective, comme alliés de la Russie ; il était
donc prudent de retarder ce départ ; nous supposions que ce ne serait d’un
retard, espérant toujours que les chefs d’Etat hésiteraient avant de mettre
l’Europe à feu et à sang. Hélas, ce que l’on redoutait et ce que l’on
souhaitait tout à la fois éclata le 1er août ; A 5h, au moment
où Pierre, commandant un contre torpilleur, nous faisait ses adieux,
Journal de Léontine DUPUY - page 043 |
Page 043 -
le canon retentit, la générale, comme un glas funèbre annonçait la
mobilisation ; quel affolement, quelles angoisses pour les mères et les
épouses, qui s’arrachaient des bras de ceux qu’elles chérissaient. Mon jeune
fils Georges accompagné de sa cousine Simone, me conduisit à l’église St Louis.
J’ai vécu ce jour-là les heures les plus atroces de mon existence.
Lundi
3 août
Après
avoir recommandé mon fils à la Vierge, je me traînais péniblement de magasin en
magasin pour l’achat des objets indispensables à mon Geo. Il nous quitta le
lundi 3 août 1914 à 5h30 du matin. J’eus le courage de l’embrasser sans verser
une larme, ce dont je me serais crue incapable. Accompagné de son père et de
son frère Léon, j’ai vu du balcon s’éloigner cet enfant, je lui adressai de la
main un dernier adieu, et je
Journal de Léontine DUPUY - page 044 |
Page 044 - rentrai
à bout de forces me prosterner au pied
de la Vierge. Je l’invoquai pour mon Petit, lui demandant de me le ramener et
j’adressai les mêmes prières à ma bonne maman.
La
guerre ! la guerre ! Que de fois j’ai dû répéter ce mot qui
fait frémir pour bien me convaincre que tout ce qui venait de se dérouler
n’était pas un horrible cauchemar !
Mardi
4 août
J’ai
écrit à mon cher petit à Marseille. Que de tristesse autour de moi, que de
larmes…
Quelques mois après le début de la guerre, la vie s'organise autour de la guerre et des blessés.
Journal de Léontine DUPUY - page 050 |
Page 050 - Lundi 17 août
Pas de nouvelles encore ! Mon Dieu donnez-moi la force de
supporter ces angoissantes journées qui s’écoulent si tristement.
Mardi 18 août
J’ai appris par Thérèse que son fils était à Mirecourt avec son
régiment et qu’on attendait différents corps d’armée dont le XI ; c’est
celui auquel est affecté mon Geo ; le voilà bientôt sur le théâtre de la
guerre !
Mercredi 19 août
Toujours rien, c’est atroce de se demander à toutes les heures de
la journée, que dis-je, à toutes les minutes : où est-il ? Mon Dieu,
mon Dieu ! Protégez mon Petit, rendez-le à sa mère, ayez pitié de toutes
les pauvres mères qui souffrent comme moi.
Journal de Léontine DUPUY - page 071 |
Page 071 – Mardi 6 octobre
J’ai
été tellement occupée avec nos soldats blessés que je n’ai pas trouvé une
minute pour mon petit cahier. Nous faisons, en ce moment, des plastrons pour
nos soldats d’Algérie et les troupes sénégalaises. J’ai envoyé des vêtements
chauds à mon Petit. J’ai de bonnes nouvelles jusqu’à présent, que Dieu le
protège toujours !
Vendredi
25 décembre 1914
Voilà
près de trois mois que je n’avais plus ouvert mon petit cahier :
hélas ! Malgré les soucis, les angoisses sans cesse renouvelées, le temps
s’écoule sans apporter de notables améliorations ou changements à l’état
actuel. C’est la guerre dans toute son horreur, c’est la guerre sans trêve, la
guerre continue et dont nul ne peut prévoir la fin. Que nous sommes malheureux,
Mon Dieu !
21 février 1915 : Léontine voit partir son second fils à la guerre.
Journal de Léontine DUPUY - page 074 |
Page 074 – 21 février 1915
Il est parti, mon Léon, mon Petit ! Cet après-midi à 2h. Son
père et son frère l’ont accompagné et je suis restée seule à la maison le cœur
meurtri, déchiré, sanglotant, criant, hurlant, pourrais-je dire, demandant à
Dieu d’avoir pitié de moi et à sa Ste Mère de veiller sur mon enfant, de le
protéger. J’avais, le matin, fait la communion afin d’avoir le courage de
supporter cette épreuve, la plus cruelle qui soit imposée à une mère. N’est-ce
pas inhumain de m’avoir enlevé cet enfant que j’ai tant soigné ? J’ai peur
pour lui ; il ne pourra jamais supporter les fatigues du régiment, bien
qu’il soit plein de bonne volonté et très fier d’être militaire et de se rendre
utile à son pays. Mon Dieu, Mon Dieu, veillez sur lui et ayez pitié de sa
pauvre mère.
Journal de Léontine DUPUY - page 075 |
Page 075 – 15 avril 1915
Voilà près de deux mois que je n’avais pris mon petit cahier et
cependant j’ai pas mal de choses à noter. D’abord mon Léon à la caserne de Lyon
dans un lycée moderne près du parc de la Tête d’Or, en face de la gare des
Brotteaux, enchanté d’être soldat et surtout d’être à Lyon, hélas trop peu de
temps, au bout de 12 jours, envoyé à Nyons (Drôme) un trou de 3 mille
habitants, ils sont environ 4 mille hommes répartis dans les écuries, remises,
étables, quelle horreur ! Je les ai vus ces bons soldats couchés sur leur
sac de paille, car le 20 mars, je suis allée avec mon mari passer 4 jours
auprès de notre cher enfant. J’ai eu le bonheur de le trouver en bonne santé,
très résigné, mais vêtu comme un mendiant ; capote percée de trous de
balles, pantalon velours gris sur lequel avait déteint un pantalon toile
bleue ; sa capote était courte, étriquée. Mon fils, si élégant en temps
ordinaire était grotesque mais il n’avait pas l’air de s’en soucier, il
acceptait tout avec philosophie.
Ces quelques pages sont un véritable témoignage de la vie de mes ancêtres et de la première guerre mondiale qui me semblait si loin.
A lire les mots d'une mère, on comprend le déchirement qu'a dû connaitre la France lorsque ses enfants sont partis défendre la nation.
Ici s'achève le premier journal de Léontine.
Récit du voyage que Léontine et Jacques TAJASQUE en octobre 1896 lorsqu'ils
ont quitté Toulon pour Paris et l'Est (page 005 à 011) :
Page 005
Voyage à Paris et dans l’Est
Exposition de
Genève, octobre 1896
Hôtel Donou[1], rue Donou près de
l’avenue de l’Opéra.
Nous sommes
partis au moment de l’arrivée du gaz.
Par une étrange coïncidence, nous nous sommes arrêtés à Reims pour
visiter la cathédrale où l’on fêtait le XIVe centenaire du baptême de Clovis,
processions d’évêques, d’archevêques, cardinaux ; dans l’église St Rémy se
trouve la châsse[2] de l’Evêque de ce nom (rues Maréchal Drouot, Changy,
cardinal de Lorraine, Gambetta, Thiers, St
Louis, Roederer). De Reims nous sommes
allés à Bazeilles[3], où
nous avons visité la maison de la dernière cartouche et l’ossuaire, visite qui
m’a vivement impressionnée. C’est la petite fille de la propriétaire de la
maison qui fait visiter. On a recueilli, dans une pièce du rez-de-chaussée,
tous les débris de cuirasse, fusil, tout
ce que la
Page 006 - Meuse
charriait et l’on a fait une sorte de musée. On a fait encadrer la lettre de
Napoléon III à Guillaume ; au moment de la défaite de Sedan, l’horloge
haute et étroite est arrêtée à l’heure même où les Prussiens lançaient les obus
sur la ville, les cloisons sont percées de part en part, tout à été laissé dans
le même état. Les chambres du premier, que nous avons visitées ne sont plus
habitées ; on voit aussi toujours le désordre de la guerre, c’est
lamentable. Nous avons vu la vieille grand-mère au moment où elle prenait son
repas du soir. Cette bonne femme s’était réfugiée dans les caves de sa maison
et avait pu passer en Belgique.
Il était déjà nuit quand nous avons visité
l’ossuaire où sont contenus les restes des soldats français et prussiens. A
droite sont les nôtres et à gauche nos ennemis. Cette crypte se compose d’une
suite de petites caves fermées par
Page 007 - des portes à claires voies. Le gardien,
pour nous donner des explications et nous montrer les différents crânes alignés
sur le sol, passait sa lanterne à travers les barreaux et nous soulignait les
détails les plus curieux. J’étais morte de peur, j’osais à peine écouter et
encore moins regarder. A l’entrée des portes on avait, aux différents
anniversaires, suspendu des couronnes commémoratives. Ce gardien nous avait
fait remarquer la différence de grosseur qui existait entre le crâne des
Bavarois et des Prussiens. J’avais hâte de voir se terminer cette visite. En
quittant Bazeilles, nous sommes allés coucher à Verdun, ville fortifiée, à
l’hôtel du Coq hardi, après avoir vu l’hôtel de la cloche d’or. [La] Porte
Saint-Paul aux créneaux, autre porte près de la gare, ressemble à la Porte
d’Italie.
De
Verdun à Nancy, hôtel d’Angleterre, très belle ville. En quittant
Page 008 - la gare, place avec statue de Thiers. Place
St Stanislas, statue du roi de Pologne, superbe place, c’est un immense carré
dont les côtés, qui se font face, sont coupés par des portes monumentales en
bronze doré ; dans l’intervalle d’une porte à l’autre se trouvent l’hôtel
de ville, le théâtre et différents hôtels, arc de triomphe qui nous conduisent
au cours Héré puis au parc de la pépinière ;
Eglise St Epure, palais ducal, qui sert
actuellement de gendarmerie, chapelle ducale, le
gouvernement, résidence du général ; les rues sont larges, coupées par
d’autres de la même longueur et largeur. Nous avons quitté Nancy le 4 octobre
pour aller à Epinal. Nous n’y sommes restés qu’une heure. La Moselle traverse
la ville d’Epinal à Besançon.
Arrivés
à 9h du soir, descendus à l’hôtel de l’Europe rue St Pierre, visité un très
ancien édifice appelé la mairie
Page 009 - qui réunit chambre des Communes, etc. Le
Doubs traverse la ville et la sépare en deux parties. Du côté de l’Avenue
Carnot on voit un pont très long, du côté du jardin public, le lit de la
rivière est dans un endroit plus élevé de sorte que les eaux, en s’écoulant,
produisent un bouillonnement écumeux. Nous avons remarqué dans le square Amour
le buste de l’Amiral Devarenne. Nous avons quitté Besançon lundi 5 octobre pour
nous rendre à Moncharet et Pontarlier.
Le
pays commence à être très accidenté déjà, on comprend que nous approchons de la
Suisse. Nous coucherons ce soir à Lausanne. Vallorbe[4],
visite de la douane. Arrivés à Lausanne à 9h, descendus [à] l’hôtel du Grand
Pont, près des postes et messageries. De Lausanne à Genève, visite de
l’exposition et remarqué surtout le village suisse. De Genève à Chambéry,
Page 010 - nous avons eu 1h ½ d’arrêt et avons visité
la ville à la lueur des becs de gaz ; petite ville traversée par une
rivière nommée L’Ess [5]; remarqué un beau lycée et école normale.
Arrivés
à Grenoble, le 7 octobre à 10h [du] soir. Le lendemain à 6h nous allions à la
Grande Chartreuse. La route qui y conduit est fort belle ; pour aller nous
avons pris celle de St Laurent du Pont. Le paysage est superbe, nous avons
traversé différents petits villages où l’on changeait nos chevaux, à un moment
nous en avions assez. A cet endroit, la route devient de plus en plus
sauvage ; nous avions à notre droite d’immenses gorges, des sapins d’un
vert sombre au pied desquels roulait avec bruit un torrent. Notre voiture
longeait le bord avec précaution, car le moindre écart nous aurait précipités
dans le gouffre. Arrivés à la route appelée le Désert, nous avons trouvé
successivement 4 longs tunnels creusés dans la montagne. Il est difficile de
trouver un paysage plus
Page 011 - imposant. A 10h, nous avons traversé une
épaisse brume. On voit le Grand Som[6],
le point le plus élevé de la Grande Chartreuse. A 11h½ nous arrivions du monastère qui se trouve à
droite et, à gauche, la maison des religieuses. C’est là que j’ai déjeuné
seule, car malgré mes prières on a refusé d’y admettre mon mari qui a mangé
chez les Pères. A 2h½ nous repartions
par la route du Sappey, non moins belle, mais moins sauvage que celle de St
Laurent. Distillerie Bonnal[7]
à St Laurent-du-Pont ; c’est un ancien chartreux qui exploite à son
bénéfice le secret des Pères. Nous n’avons pas eu le temps de visiter la ville
parce nous étions forcés de rentrer à Toulon, le congé de mon mari étant
expiré.
[1]
Il s’agit de l’Hôtel Daunou, rue Daunou
[2]
Coffre précieux où l'on conserve les reliques d'un saint
[3]
Commune française, située dans le département des Ardennes en région
Champagne-Ardenne (à 22 km de Charleville-Mézières)
[4]
Poste frontière entre la France et la Suisse
[5] S’écrit Leysse en
réalité
[6]
Sommet du massif de la Chartreuse (Isère) culminant à 2 026 m
[7]
S’écrit Bonal en réalité
Lectures pour comprendre Léontine :
- description et
photos de l'Annamite sur le site internet de José CHAPALAIN
- la catastrophe de
Saint-Gervais les bains en 1892 sur le site de Gloubik Sciences
FIN.