Au mois
de Mai, notre amie Sophie Boudarel nous invite à raconter le parcours d’un de nos aïeux pendant la
deuxième guerre mondiale.
Comme
beaucoup de ceux qui sont revenus, mon grand-père n’a jamais voulu parler de la
guerre ou de la période de captivité qu’il a vécue.
La
seule chose qu’il ait racontée à ses enfants, c’est qu’il avait travaillé dans
une ferme quand il était prisonnier et qu’il mangeait des escargots cuits au feu de bois pour
sinon manger à sa faim, tout au moins se remplir un peu l’estomac.
Pierre FERRON, mon grand-père, vers 1940
Source : Archives familiales
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Alors
il reste les traces du passé pour essayer de reconstituer une histoire qui
somme toute, est très proche… et même trop proche.
Nombreux
sont ceux qui, en préparant ce généathème, ont mentionné la difficulté de
découvrir la réalité de la guerre vécue par leur père ou leur grand-père.
Je
crois comme eux qu’il faut plus de recul pour appréhender les évènements sans
être trop affecté.
Mon
grand-père Pierre FERRON est le second fils de Gustave FERRON, industriel, et
Berthe MARIE, son épouse. Il est né le 29 septembre 1912 à Courbevoie dans les Hauts-de-Seine
(92) un peu plus de deux ans après son frère Henri.
Comme
je l’ai mentionné dans l’article Rencontre et Mariage sous l’occupation, mon grand-père a passé son bac en juillet
1930 puis a fait un an à la fac de droit de Paris. Il est ensuite entré à
l'Ecole HEC – l’Ecole des Hautes Etudes Commerciales - dont il a obtenu le
diplôme en juillet 1933.
En
octobre de la même année, il est appelé sous les drapeaux.
A droite, Pierre FERRON pendant son service militaire en
1933
Source : Archives familiales
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Grâce à
son livret individuel, on sait qu’il a été recruté au 2ème bureau de
la Seine – Classe 1932 - et qu’il porte le numéro de matricule 6127. Il a
intégré le 306e Régiment d’Infanterie – 3ème Compagnie.
Il effectuera
son service militaire pendant 1 an et sera « Renvoyé dans ses foyers le :
15/10/1934 au grade de Caporal-chef ».
Quelques
mois après son retour, en février 1935, il entre à l'usine Olida de Levallois
Perret (92) où il est employé en tant que chef de service et où il deviendra plusieurs
années plus tard sous-directeur.
Mais la
France entre en guerre en 1939. A l’heure de la mobilisation générale, il quitte
ses parents et part le 3 septembre rejoindre le 306e Régiment
d’Infanterie - 7e compagnie.
Il avait
quitté le service militaire au grade de Caporal chef. Il sera pendant la guerre
promu Sergent.
Il
passera même un Brevet de Chef de Section en avril 1940.
Pierre FERRON – Brevet de Chef de Section – 10 avril 1940
Source : Archives familiales
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IIIe ARMEE
56ème DIVISION
332ème Régiment d’Infanterie
Brevet de Chef de Section
La Commission d’examen de la 56ème
division certifie qu’au point de vue de l’instruction militaire théorique, de
l’instruction militaire pratique et de l’aptitude de commandement,
M. FERRON Pierre, Sergent 306e RI
Est capable de remplir les fonctions de Chef
de Section d’Infanterie : mention Fusiliers voltigeurs
Moyenne des notes obtenues : 15.3
Instruction militaire pratique : 14
Instruction militaire théorique : 15
Aptitude générale : 17
Aux Armées le 10 avril 1940
A droite, Pierre FERRON en 1940
Source : Archives Familiales
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J’ai
retrouvé dans les affaires de ma grand-mère une petite enveloppe dans laquelle
se trouvait le ruban de décoration de mon grand-père pour la croix de guerre
39-45. Y était joint un document qui avait visiblement commencé à brûler et qui
se trouve être la Citation à l’ordre du régiment de mon grand-père.
Pierre FERRON - Citation à l’ordre du régiment en 1940
Source : Archives familiales
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306e Régiment d’Infanterie
Citation
A l’Ordre du Régiment – Ordre n°75 du 4 juin
1940
Nom : FERRON Pierre
Grade : Sergent à la 7e Cie
« Sous-officier d’élite, a donné le plus
bel exemple de ….
… cours des opérations du 13 Mai. A mis
lui-même un FM e….
… sous un violent bombardement pour arrêter
l’attaque ennemie…
Il ne
reste malheureusement pas grand-chose de ce document, mais c’est assez pour
être fière de son grand-père !
Pierre
sera fait comme tant d’autres, prisonnier par les Allemands.
Il sera envoyé dans le Front Stalag 192 LA
FERE qui est un camp de prisonniers installé dans le département de l'Aisne
(Picardie).
Les
Frontstalags (Frontstammlager) étaient des camps de prisonniers de l’armée
allemande installés à l’extérieur de l’Allemagne, principalement en France. Les
Frontstalags français ont d’abord servi à héberger les prisonniers de guerre
depuis leur capture en mai-juin 1940 jusqu’à leur départ en Allemagne, fin 1940
ou début 1941. A partir de 1941, ces camps sont réservés aux prisonniers issus
des colonies françaises. Les Frontstalags sont restés sous administration
allemande jusqu’au début de l’année 1943.
On
apprend dans le document issu du Front Stalag que Pierre FERRON, qui a l’époque
est Chef de fabrication dans l’alimentaire, a été fait prisonnier le 18 juin
1940. Quant au lieu, je n’ai pas réussi à l’identifier. Je lis « La
Margelle » mais cela ne correspond pas à un village de l’est de la France.
Front-Stalag 192 : Pierre FERRON à la 2e
ligne
Source : Service Historique de la Défense de Caen
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Dans
les documents du Front Stalag sont notés les différents endroits où Pierre
FERRON a été retenu prisonnier.
Extrait des documents du Front Stalag 192 se rapportant à
Pierre FERRON
Source : Service Historique de la Défense de Caen
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On peut
y lire qu’en novembre 1940, il a été envoyé au camp de Juvigny (02) à côté de
Soissons.
Est-il
resté prisonnier au Front Stalag de La Fère entre le 18 juin 1940, date à laquelle il a été
fait prisonnier et novembre 1940 ?
Il est
rapidement envoyé dans une ferme du canton de Craonne (02 – Aisne) appelée la
ferme de Bove.
Il
semblerait qu’ils aient été nombreux à être envoyés là-bas puisque l’extrait du
Front Stalag 192 montre que ceux qui suivent mon grand-père sur le registre ont
tous été envoyés là-bas (dernière colonne).
Il restera
dans la ferme de Bove pendant 4 mois.
Carte de Prisonnier de guerre de Pierre FERRON
Source : Service Historique de la Défense de Caen
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Passé
ce délai, l’armée allemande a dû penser que Pierre, qui était cadre à la
principale usine d'Olida, à Levallois (92), était plus utile là-bas dans la
mesure où l'industrie alimentaire était prioritaire.
C’est
ainsi que j’ai retrouvé dans les papiers de famille, l’autorisation ci-dessous
datée du 29 juillet 1941 autorisant le prisonnier Pierre FERRON, travaillant
dans l'industrie alimentaire, à quitter le camp de prisonniers pour reprendre
son activité civile.
Autorisation du 28 Juillet 1941 donnée à Pierre FERRON
Par le Front Stalag 192
Source : Archives familiales
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La
partie encadrée au crayon bleu indique que le prisonnier doit remettre tous les
vêtements et équipements de l'armée française en sa possession à la
Kommandantur de l'arrondissement.
Il est
indiqué aussi qu'il devra se rendre à la Kommandantur de l'arrondissement afin
qu'on y fixe pour lui une date de contrôle et que le prisonnier devra
réintégrer le camp si l'ordre lui en est donné par une autorité militaire
allemande.
C’est
ainsi que mon grand-père a donc traversé la seconde guerre mondiale.
FIN.
Que de documents, c'est impressionnant.
RépondreSupprimerJe ne connaissais pas l'existence de ces camps de prisonniers sur le territoire français, merci pour cette découverte
Je trouve moi aussi plus difficile d'écrire sur ses grands parents, en meme temps, c'est aussi une mémoire que nous devons préserver pour nos descendants et sur laquelle nous avons des documents et nos souvenirs.
Je suis tout à fait d'accord avec toi.
RépondreSupprimerPour que jamais cela ne tombe dans l'oubli.