Cet article est le troisième et dernier de la série consacrée à la vie
de mon arrière-grand-mère : Victoria.
Hier, nous nous étions arrêtés à l’année 1928 ; Victoria est une
femme de 36 ans, directrice de l’école de Kernével dans le Finistère (29),
mariée, veuve de guerre, de nouveau mariée et maintenant divorcée avec une
fille de 4 ans ½.
7 janvier 1929 : nouvelle inspection de l’Académie. Le rapport dira
d’elle : "Excellente directrice d'école. Sympathique avec les
familles et dévouée aux élèves. Mme Delorier s'occupe activement des cours
post-scolaires (cours d'adultes, mutualité, bibliothèque, promesse de créer une
coopérative scolaire). D'autre part, sa classe est d'un bon niveau ; son enseignement
bien préparé est intéressant et fructueux. Bon impression dans
l'ensemble."
Est-ce Victoria qui a fait une nouvelle demande de mutation du
fait de la trop grande proximité avec son ex-mari ?
Elle est nommée le 1er octobre 1930 Directrice de l’école
des filles de Concarneau (29).
Le 10 septembre, elle se présente pour son installation munie du
Procès-verbal :
Procès-verbal d’installation de Victoria à
Concarneau
du 10 septembre 1930
Source : Dossier personnel d’institutrice – AD 29 – 86
W 1-75 n°161
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L’an mil neuf cent trente le dix
septembre devant nous, Maire de la commune de Concarneau, canton de Concarneau,
s’est présentée Mme Delorier, institutrice à Kernével nommée par arrêté de Mr
le Préfet, en date du 21 juin 1930, en qualité de Directrice à l’école des
filles de Concarneau laquelle nous a prié de procéder à son installation.
Vu l’avis dont Madame Delorier
est porteur et l’arrêté de nomination qui la concerne, nous avons déclaré
Madame Delorier installée dans ses fonctions avec effet du 1er octobre 1930.
Fait à Concarneau, les jours,
mois et an susdits.
Victoria va donc désormais enseigner et diriger l’école de filles à
Concarneau située sur l’ancienne Place de l’Hôtel de ville.
L’Ecole et la Place de Concarneau (29) vers 1910
(l’école est le bâtiment à gauche, derrière les arbres)
Source : Archives municipales de Concarneau (29)
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La Place de l’Hôtel de Ville de Concarneau (29) en 1913
(l’école est le bâtiment à gauche)
Source : Archives municipales de Concarneau (29)
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1930, ma grand-mère Maryvonne a presque 7 ans. Elle pose ci-dessous avec
sa mère Victoria.
La photo a-t-elle été prise pour fêter leur arrivée à Concarneau ?
Victoria et sa fille Maryvonne en 1930
Source : Archives familiales
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26 janvier 1931. L’installation de la nouvelle
directrice se passe a priori bien puisque le rapport de l’inspecteur passé dans
sa classe ce jour nous apprend que : "Madame Delorier dirige l'école
de Concarneau depuis le 1er octobre dernier. C'est une directrice bienveillante
et souple en même temps qu'une bonne institutrice. Je crois que Madame Delorier
pourrait aisément gagner la confiance des familles et accroître la prospérité
de son école. Nous pouvons à ce point de vue lui faire confiance."
Victoria a rencontré Henri et dans quelques mois
sera célébré leur mariage.
Henri Masson est un veuf de 44 ans1, agent administratif de l'Inscription maritime, qui est
le père d’une petite fille du même âge que Maryvonne et qui s’appelle
Marie-Madeleine.
Le mariage sera célébré le 1er
février 1932 à Concarneau.
Acte de Mariage de Victoria Yvonno et
Henri Masson
Le 1er février 1932 à
Concarneau
Source : Mairie de Concarneau (29)
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Sans en être certaine car il n’y a pas de mention au dos, il est fort
probable que les deux photos ci-dessous aient été réalisées à l’occasion du mariage.
Victoria Yvonno et son mari Henri Masson
Mariés le 1er février 1932 à
Concarneau (29)
Source : Archives familiales |
Les deux petites filles du couple
De G à D : Marie-Madeleine Masson et
Maryvonne Allain
Source : Archives familiales
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Juillet 1932, Victoria reçoit la mention honorable de l’Académie.
Mention honorable de l’Académie en
juillet 1932
Source : archives familiales
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A la rentrée, Victoria redevient titulaire adjointe à l’école de Concarneau.
Elle attend un heureux événement ; le 9 octobre, une petite fille voit le
jour : Monique.
C’est à la même période que son ex-mari, Louis Allain, est nommé à
l’école de la rue Vauban à Brest (29) où il se remarie deux mois plus tard avec
une autre institutrice, Louise NICOLAS.
24 mars 1933. C’est un jour bien triste. Victoria perd sa mère âgée de
71 ans. Elle sera inhumée au cimetière de Concarneau.
Octobre 1934 : Louis Allain et sa nouvelle épouse sont nommés à leur
demande dans les Bouches-du-Rhône (13). Maryvonne, restera avec sa mère en
Bretagne.
1936. La vie suit son cours et les filles du couple grandissent.
Les trois sœurs vers 1936
De bas en haut : Marie-Madeleine
Masson,
Maryvonne Allain et Monique Masson.
Source : Archives familiales
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23 mai 1938, Eugène, le frère de Victoria, décède à l’âge de 48 ans.
Maladie ou accident ?
Il est inhumé au cimetière de Rosporden où il habitait.
Son épouse Marie Anne tiendra le café de la gare de Rosporden avec sa
sœur Jeanne.
A peine trois mois plus tard, c’est le père de Victoria qui décède. Il
rejoindra son épouse au cimetière de Concarneau.
1939. La deuxième guerre mondiale puis l’occupation.
28 décembre 1943. Sa fille Maryvonne, partie il y a quelques mois à
Paris pour ses études a rencontré Pierre FERRON qu’elle épouse à Concarneau
(voir Rencontre
et mariage sous l’Occupation).
Juillet 1945. La guerre est enfin terminée. Maryvonne et Pierre sont
venus passer les vacances d’été à Concarneau. Mais ils ne sont pas venus
seuls ; Michel, leur premier enfant, est né en octobre dernier. Victoria
est fière de poser avec le bébé.
Victoria et son premier petit-fils,
Michel
En juillet 1945 à Concarneau (29)
Source : Archives familiales
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Victoria a 53 ans. Elle est toujours institutrice à Concarneau.
Sur un papier écrit de sa main, elle a noté :
1945 - Médaille de bronze
1946 - Officier de l'Académie
Mais pour l’instant pas d’autres traces…
Octobre 1947. Victoria adresse une lettre à l’Inspecteur de l’Académie
dans le but de prendre sa retraite l’année suivante.
Lettre de Victoria à l’Inspecteur de l’Académie
du 29 octobre 1947
Source : Dossier personnel d’institutrice – AD 29 – 86
W 1-75 n°161
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Concarneau, le 29 octobre 1947
Madame Masson, institutrice à Concarneau
à Monsieur l'Inspecteur d'Académie
Monsieur l'Inspecteur d'Académie,
J'ai l'honneur de vous accuser réception de votre
lettre du 16 octobre 1947 par laquelle vous me faites connaître qu'en
application des dispositions de l'article 10 de la loi du 15 février 1946, je
suis susceptible d'être comprise dans le travail de préparation des admissions
à la retraite en 1948, que vous devez adresser au ministre.
Bien que je réunisse les conditions pour bénéficier
d'une prolongation d'activité, ayant encore un enfant à charge (une fillette de
15 ans), je ne désire pas user de la faculté qui m'est accordée, et vous
demande de me proposer pour l'admission à la retraite à la date que vous
m'indiquez, c'est-à-dire le 15 juin prochain.
Veuillez agréer, Monsieur l'Inspecteur d'Académie,
l'assurance de mon profond respect.
V.Masson
Juillet 1947. L’été voit arriver les petits parisiens chez Victoria. Sa
fille Maryvonne vient passer plusieurs semaines chez sa mère avec ses enfants.
C’est l’occasion pour la famille de se retrouver et de partager de bons
moments.
1er octobre 1948. C’est le départ à la retraite après 37 ans
de carrière !
Victoria vers 1950
Source : Archives familiales
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Victoria profite désormais de ses enfants et de ses petits-enfants.
Ici, elle pose dans son jardin de Concarneau avec sa fille Monique et
avec François (mon père), le petit dernier de Maryvonne.
De G à D : Victoria, son petit-fils
François
et Monique, la dernière fille de Victoria
en juillet 1951
Source : Archives familiales
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1955. Victoria et Henri Masson montent à Paris voir Maryvonne et ses
enfants. Ici, Le couple est assis sur le banc d'un parc parisien avec leurs
trois petits enfants : de gauche à droite, Michel, Alain et François.
Victoria et Henri Masson avec leurs trois
petits enfants :
Michel, Alain et François en 1955
dans un parc parisien
Source : Archives familiales
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1956. Victoria pose avec mon père, alors âgé de 6 ans.
Victoria et son petit fils François en
1956
Source : Archives familiales
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29 septembre 1956. Monique, la fille de Victoria se marie à Paris avec
Jean Jacques Anziani. Le déjeuner se fait au Plateau de la Gravelle à Paris 11e.
Mariage de Monique Masson et Jean-Jacques
Anziani le 29 septembre 1956
Source : Archives familiales |
27 mai 1960. Henri Masson, l’époux de Victoria, décède à Concarneau.
Il sera inhumé dans la tombe familiale de Concarneau.
1962. Victoria a 70 ans. Elle habite toujours au « Bercail »
à Concarneau.
La maison de Victoria : Le Bercail
en 1962
5 rue Henri Cevaër à Concarneau (29900)
Source : Archives familiales |
Victoria en 1962. Elle a 70 ans.
Source : Archives familiales |
1975. Victoria a 83 ans. Elle habite désormais à la maison de retraite « La
Résidence » à Quimper (29)3. Elle est fatiguée et ne peut se déplacer qu’avec
deux cannes.
2 août 1982. Victoria s’éteint à Quimper à la maison de retraite.
Acte de Décès de Victoria YVONNO le 2
août 1982 à Quimper
Source : Archives municipales de
Quimper (29)
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Le 2 août 1982, à 13 heures, est
décédée, en son domicile : Victoria Adeline YVONNO, née à Murat (Cantal) le 15 avril
1892, retraitée, domiciliée à Quimper, 37 rue de la Providence, fille de
Abraham Eugène YVONNO et de Victoria Marie DANIEL ; époux décédés ; veuve en
premières noces de Louis DELORIER ; divorcée en secondes noces de Louis Marie
ALLIN, veuve en troisième noces de Henri Victor MASSON.
Dressé le 3 aout 1982, à 9
heures, sur la déclaration de Gérard Chaudel, 49 ans, Directeur des Pompes
Funèbres, 7 rue de la Mairie qui, lecture faite et invité à lire l'acte, a
signé avec Nous, Marie Thérèse LE DAIN, Rédacteur à la Mairie de Quimper,
Officier de l'Etat civil par délégation.
Elle ira rejoindre les siens dans la tombe familiale de Concarneau où
ses enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants et aujourd’hui ses
AA-petits-enfants viennent lui rendre hommage.
Tombe familiale de Concarneau (29)
Source : Collection personnelle |
Ici s’achève le récit de la vie de Victoria.
Certains auront pu peut-être appréhender la vie d’une institutrice du
Finistère au début du XXe siècle, pour d’autres celle d’une jeune veuve de
soldat de la Grande Guerre, pour d’autres encore la façon dont une jeune femme réussit
à divorcer en 1925.
Pour moi, ce généathème m’aura permis de rencontrer enfin mon
arrière-grand-mère.
Pour ceux qui le souhaitent, je vous invite à voir en ligne les
documents qui composent le dossier d’institutrice qui se trouve aux archives
départementales du Finistère (29).
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1 Henri Victor Masson, né le 28 mars 1887 à Plougastel-Daoulas
(29)
3 La Résidence, 37 rue de
Providence à Quimper (29)
FIN.
Encore bravo, Marine, pour ton article qui nous permet de découvrir les diverses facettes de la vie de ton AGM, une femme "moderne" pour son époque !
RépondreSupprimerbonjour
RépondreSupprimersuper reportage complet
bonne continuation dans vos recherche
thierry
Je suis bluffé par tant d'informations récoltées. Un magnifique travail.
RépondreSupprimerEncore bravo.
Bravo Marine pour ce beau triptyque. Que de sources pour retracer la vie de ton arrière-grand-mère, je suis admiratif.
RépondreSupprimerMerci à tous pour vos commentaires qui me font très plaisir :)
RépondreSupprimerIl est vrai que le dossier d'institutrice de mon arrière-grand-mère était très riche de renseignement et je vous invite à chercher dans la série T des Archives Départementales si vous avez un instituteur dans votre généalogie !
Bravo pour avoir réuni ces sources et les avoir si bien mises en scène. Un beau travail, digne d'une institutrice !
RépondreSupprimerJe manque d'adjectifs tant cet article est à la fois émouvant, documenté, bigrement bien rédigé.
RépondreSupprimerJe découvre seulement aujourd'hui les trois articles que tu as consacrés à Victoria (quel beau prénom). Un grand bravo pour ce récit très intéressant car très riche en détails et en illustrations. Et sûrement très émouvant pour toi, bien sûr.
RépondreSupprimerMerci. J'ai eu en effet beaucoup de plaisir à rédiger ces articles, et c'est vrai aussi, beaucoup d'émotion de pouvoir découvrir plusieurs facettes de mon arrière-grand-mère.
RépondreSupprimerEncore merci pour vos commentaires !